Test / The Last of Us Part II: une histoire qui joue violemment et parfaitement avec nos émotions
The Last of Us Part II est la suite d’un jeu qui n’avait pas besoin d’en avoir, et pourtant. Après avoir vécu une aventure qui ne pouvait pas nous laisser indifférent, Naughty Dog a décidé de nous emmener à nouveau dans cette Amérique en ruine où les survivants perdent peu à peu le reste d’humanité qu’ils ont pour pouvoir espérer tenir jusqu’au lendemain.
Un pari risqué de la part du studio de PlayStation car la narration du premier épisode était un chef d’oeuvre et il ne fallait pas se contenter de faire « aussi bien » que l’un des meilleurs jeux de ces dix dernières années.
The Last of Us Part II est une réussite totale si ce n’est quelques défauts qui viennent nous rappeler à quel point il est difficile de réaliser un jeu aussi complexe. Il est original autant dans ses choix de gameplay que dans sa narration.
Il y aura des spoilers dans ce « test ». Si vous n’avez pas joué au jeu alors arrêtez vous quand le mot spoiler apparaitra en gros !
L’univers / Le jeu
Cinq années se sont écoulées depuis la fin du premier opus, période pendant laquelle Ellie et Joel ont passés des jours heureux ou presque dans le refuge de Jackson à tuer des infectés et à construire des abris.
Si c’est un moment de « repos » comparé à la course vécue pendant l’année que l’on joue dans le premier jeu, il s’agit d’une tranche de vie où Ellie a grandit. Elle a maintenant 19 ans et elle est devenue plus indépendante qu’elle ne l’était auparavant.
La vie semble suivre son cours. Pas de vaccin, pas de gouvernement, toujours les mêmes ennemis, une situation qui est parti pour durer.
The Last of Us Part II nous propose à nouveau un jeu d’aventure à la 3ème personne où l’on contrôle cette fois ci Ellie et non plus Joel. L’équipe de développement a véritablement fait un bond en avant depuis le premier volet car le gameplay a été amélioré et c’est agréable car c’était le défaut principal du jeu.
Si on se penche sur les capacités de notre héroïne, la gestion de son inventaire et de ses compétences est maintenant vraiment bien pensée. On peut crafter des objets en échange de ressources que l’on trouve par terre comme auparavant, mais tout semble plus réaliste.
Notre héroïne peut aussi apprendre de nouvelles compétences en lisant des revues qu’il faut chercher durant notre aventure. Une bonne idée qui donne un peu de crédibilité à l’évolution de notre personnage.
J’ai toujours eu du mal avec le fait que notre personnage n’ait rien appri « avant » que l’on débute notre histoire. Comme quand Joel apprend à faire un cocktail Molotov dans le 1 après avoir combattu les infectés pendant plusieurs années.
Notre personnage possède un arsenal avec le strict minimum ce qui rend l’expérience plus authentique. On s’équipe d’armes efficaces pour toutes les situations (pistolet, fusil à pompe…) que vous soyez plutôt du genre discret ou du genre combats dignes d’Hollywood.
On a toujours la possibilité de s’armer d’un bout de bois pour se défendre au corps à corps mais on a aussi de nouveaux objets de combats rapprochés, que l’on peut d’ailleurs améliorer en bricolant un peu.
Les phases de combat sont beaucoup plus dynamiques qu’auparavant et je trouve que c’était le point noir des jeux développés par Naughty Dog. On a un bon mix entre infiltration et baston, où l’on essaie d’être le plus discret possible au début afin d’économiser des munitions et d’éviter de se faire attaquer par un grand nombre d’ennemis à la fois. Et on peut se permettre d’avoir un style plus direct quand il ne reste plus que 3/4 adversaires.
Les combats sont plus agréables aussi car les ennemis sont un peu plus diversifiés. On rencontre plusieurs types de groupes de survivant qui ont chacun leurs spécialisations, et de nouveaux types d’infectés dont certains qui ne sont pas visibles lorsqu’on utilise notre « pouvoir de détection ».
Le pouvoir de détection, c’est la faculté qu’à notre héros de détecter les ennemis à travers les murs en se concentrant beaucoup. C’est un peu de la triche, mais ça rend le jeu jouable pour tout le monde. Sans cette option, la difficulté monte d’un cran.
En plus des combats, il y a la partie exploration qui est aussi omniprésente. Elle est plus intéressante qu’auparavant, la aussi grâce aux nouvelles capacités de notre héroïne. On peut enfin nager (champagne ! ) mais on a surtout la possibilité d’utiliser des cordes et autres cables pour donner une dimension plus verticale à notre avancée.
Ajoutez à ça la possibilité de sauter, de grimper, de briser les fenêtres et les parois vitrées, de monter à cheval, se baisser et ramper, ou encore d’utiliser une barque, et vous avez tout à coup une véritable liberté dans vos déplacements. On peut d’ailleurs se servir de tout ça en plein combat pour se déplacer dans les lieux qu’on traverses.
Si le jeu est construit de façon linéaire en ce qui concerne les environnements, c’est à dire des zones d’explorations/combats qui se suivent sans nous offrir la possibilité de revenir en arrière, ni celle d’avancer sans avoir à chaque fois « nettoyer » le secteur (sauf dans quelques rares cas), il faut tout de même noter que l’on a toujours plusieurs chemins empruntables pour arriver à nos fins.
On peut se faufiler dans des habitations, faire diversion, provoquer les combats et j’en passe, ce qui nous permet de jouer vraiment selon notre style personnel.
Naughty Dog va même jusqu’à nous proposer au début du jeu un passage en « monde ouvert » où l’on peut explorer un quartier de la ville comme bon nous semble afin de découvrir des secrets facultatifs par rapport à l’intrigue principale.
C’est une suite de bonnes idées que nous offre The Last of Us Part II, et la cerise sur le gâteau c’est que la réalisation globale est à la hauteur de l’ambition du studio. L’expertise de Naughty Dog n’est plus à démontrer quand on parle d’ambiance et d’environnement.
Le jeu nous fait traverser des décors réalistes, détaillés à l’extrême, nous faisant presque croire que tout existe vraiment tant ils ont apporté de soin à leurs créations. Je me suis arrêté un nombre de fois incalculable pour admirer des objets du quotidien. Sans parler des effets visuels qui ajoutent un peu de magie et de vie aux zones que l’on traverses.
La musique et la gestion des effets sonores sont encore une fois de véritables outils parfaitement utilisés. Le jeu n’est pas devenu un film comme certains aiment le dire, mais un véritable média qui a déjà atteint l’âge adulte depuis plusieurs années. Et des oeuvres comme The Last of Us Part 2 nous le rappelle.
SPOILER / SPOILER / SPOILER / SPOILER
L’histoire
Ce passage va être assez décousu car j’ai à la fois envie de parler du jeu, mais je n’ai pas envie de ranger les différentes expériences que nous fait vivre The Last of Us Part II dans des cases bien définies.
Je l’ai déjà dit à qui voulait bien l’entendre: il m’a fallut du temps pour digérer la fin du premier The Last of Us. Mais j’ai changé ma façon de voir les choses avec les années et j’essaie d’apprécier les histoires dans leur ensemble, en donnant à la fin autant d’importance que le plaisir que ma procuré le reste de l’histoire.
J’adore répéter une phrase de David Lynch: Keep your eye on the donut. Dans une oeuvre, mettre de côté ce qui nous manque, mettre le focus sur ce qu’elle nous propose. Une philosophie que j’aime mélanger avec celle de mon écrivain préféré Philip Dick, où l’on accorde de l’importance à l’histoire que l’on vit tout autant si ce n’est plus qu’à comment elle se termine (ou ne se termine même pas).
Et finalement, l’affection que j’avais pour Joel et Ellie était toujours présente 5 ans après la fin de The Last of Us (dans le jeu). Et c’est assez drôle en fait de voir que dans The last of Us Part II, Ellie réagissait exactement comme moi.
Quand elle reproche à Joel de ne pas l’avoir laissé mourir pour donner un sens à sa vie à la fin du jeu, c’est exactement ce que j’ai ressenti à l’époque. Une nouvelle preuve de la force de l’écriture de Naughty Dog dans le premier jeu et de son habilité à nous faire vivre l’aventure comme ils le souhaitent.
Après les événements de TLOU1, on sait que la vie d’Ellie ne pourra jamais, objectivement, être « normale ». On connait l’histoire vue par Joel, vue par Ellie mais surtout on a la vision globale de la situation. Quand Joel ment à Ellie à la fin de TLOU1, on sait qu’en grandissant Ellie l’apprendra et que sa détruira ce qu’elle aura réussi à reconstruire depuis cet instant.
La seule personne en qui elle avait confiance lui a menti, pour la sauver, mais en allant à l’encontre de sa seule « raison » de vivre. Ellie voulait se sacrifier pour sauver les autres.
La façon dont est découpée The Last of Us Part 2 est intelligente. L’histoire principale se déroule en moins d’une semaine (si on exclu l’introduction et la conclusion). Ce timing est important car il nous oblige à comprendre l’état dans lequel se trouve Ellie pendant sa croisade.
On comprend complètement Ellie qu’une fois qu’on a terminé le jeu (ce qui est un peu dommage dans un sens, même si nécessaire pour nous faire monter en puissance dans nos émotions).
Pour résumer, Ellie a découvert que l’hôpital où Joel l’avait emmener retrouver voir les Lucioles avait été abandonné. Elle a ensuite confronté Joel qui lui a avoué avoir menti à ce sujet, ce qui a ensuite complètement cassé la confiance qu’elle avait en lui. Du côté d’Ellie c’est le début de la fin, du côté de Joel c’est encore pire finalement.
La seule personne pour qui il a trouvé une raison de se battre ne peut pas lui pardonner ce choix « égoïste ». Et le soir où Ellie décide enfin de faire un premier pas vers Joel pour commencer à entamer la reconstruction de leur relation, est le dernier soir avant que Joel ne se fasse tuer.
Ellie se sent responsable de ce qu’elle a fait subir à Joel toutes ces années et elle veut se venger d’Abby qui l’a privé de la possibilité de renouer avec son père adoptif. A partir du moment où on a ce contexte, on comprend qu’Ellie ne pourra jamais surmonter ces traumatismes.
La partie où l’on incarne Ellie devient de plus en plus insupportable au fur et à mesure que l’on joue. The Last of Us 1 nous montrait déjà que la survie nous transformait en « monstre », mais cette suite nous permet d’expérimenter une descente aux enfers.
Pour se venger et pour tuer Abby, Ellie assassine tout le monde. A l’image de Joel qui ne le fait qu’à la fin du premier jeu quand il tue les Lucioles. Ici il n’y a pas plus de bien et de mal, il n’y a qu’Ellie qui n’hésite même plus à torturer pour obtenir des informations. On a inversé les rôles, on n’incarne pas la proie mais le prédateur.
Et cette phase de jeu nous fait perdre un peu la tête. On comprend mais on ne peut pas prendre de plaisir à tuer des « innocents ». On sombre dans la même folie qu’Ellie.
D’autant plus que l’histoire d’Abby, on s’en doute avant même de l’avoir commencée. Je me souviens à quel point j’avais détester quand Joel tue le médecin et le chef des Lucioles à la fin du 1.
Joel a tué la seule famille d’Abby, alors que celui ci essayait de trouver un remède contre le virus. Impossible de ne pas avoir de compassion pour Abby. Et tandis qu’Ellie sombre dans la folie (la vengeance, les crises), Abby nous propose un chemin opposé, une sorte de rédemption.
On découvre une femme qui se sacrifie elle aussi au quotidien pour sa communauté, et qui souhaite aider dans la construction d’un meilleur lendemain. Allant jusqu’à s’allier à « l’ennemi » après avoir échappé à une mort certaine.
L’histoire avec Lev est l’opportunité parfaite pour Abby. Redonner une dimension humaine au conflit entre les Loups (une communauté qui est dirigée par un chef unique avec une mise en avant de camps et d’armes) et les Séraphites (une communauté qui place sa foi dans la religion et qui repart de zéro).
On se rend compte que la rivalité n’a pas de raison d’être. Il n’y a pas de bonne et de mauvaise communauté, seulement deux styles de vie qui peuvent cohabiter sans avoir à s’entretuer s’ils faisaient un premier pas les uns vers les autres (comme c’est souvent le cas).
Abby se met en danger pour aider deux parfaits inconnus qui lui ont sauvé la vie et on s’attache de plus en plus à ce personnage, malgré le fait qu’elle ait tué Joel. Et cette affection devient problématique quand Ellie et Abby se recontrent à nouveau.
L’intelligence de Naughty Dog, c’est qu’ils ne nous laissent pas choisir comment se déroulent les combats et l’histoire. The Last of Us n’est pas le jeu dont vous êtes le héros. C’est une oeuvre où vous incarnez les protagonises et où vous allez vivre une histoire complexe.
Si je devais résumer simplement le message que nous transmet le jeu, c’est que la vie est trop courte pour accorder plus d’importance au passé qu’au présent. Et ce malgré la souffrance du passé.
Le contexte dans lequel vivent Ellie et Abby est extrême. Elles doivent survivre chaque jour et la perte de la personne qui comptent le plus pour elle les entrainent l’une après l’autre dans une descente aux enfers sans fin.
Pour se venger, Ellie perd le peu d’humanité qu’elle pouvait encore avoir, mais aussi des amis (que ce soit par leur mort avec Jesse, ou par « ricochet » avec Dina et Tommy).
Idem pour Abby qui perd tout (ses amis, sa communauté). Son obsession pour retrouver les Lucioles va jusqu’à la laisser pour morte. « Heureusement » qu’Ellie la sauve mais là encore à quel prix. On imagine qu’Abby ne pourra jamais reconstruire quoi que ce soit après ces expériences.
Naughty Dog aborde d’autres sujet d’actualité dont la place de la femme dans la société/communauté et ses droits. Le jeu nous permet d’incarner des femmes fortes, que ce soit dans leur caractère comme dans leur capacité, mais en conservant un réalisme que l’on oublie souvent quand on joue des « hommes héros ».
La relation entre Ellie et Dina, le regard du reste de leur groupe sur ce duo, le fait qu’Abby soit aussi importante dans la communauté des Wolfs ou encore toute l’histoire sur le choix de Lev de ne pas « rentrer » dans un moule établit par la société.
Des questions que l’on soulèves avec des exemples concrets dans le jeu, et qui sont malheureusement toujours débattues dans notre quotidien. On a l’impression qu’on vivra dans un monde de chaos à l’image du jeu avant d’avoir enfin pu faire évoluer les mentalités.
Je n’ai pas parlé de la relation entre Ellie et Dina, des moments en dehors du temps qu’on expérimente avec elles que ce soit avec notre guitare, dans notre maison et tout au long de l’aventure. Il faudrait que j’écrive encore beaucoup trop de mots pour faire le tour de ce que propose le jeu…
J’ai apprécié tout particulièrement l’utilisation des flashbacks et des rêves (même si les flashbacks dérangeaient un peu le rythme du jeu). J’ai pensé à Max Payne et le traumatisme des cauchemars, des moments qui m’avaient marqués quand j’y avais joué à l’époque.
J’ai trouvé un peu de maladresse dans la gestion des souvenirs et l’ordre par rapport à l’histoire. Un peu trop « posés » pour nous faire monter d’un cran dans nos émotions d’une façon « téléphonée ». Mais cela n’enlève en rien la qualité de toutes ces séquences de jeu, qui sont aussi bien écrites que développées.
The Last of Us Part II était à la fois le jeu qu’il me fallait et celui qu’il ne me fallait pas. J’ai perdu Ellie, Joel, mais aussi Dina, Tommy, Abby, Jesse… Il a fallut employer la manière forte pour que le message passe. Un mal pour un bien.
C’est aussi la violence de cette expérience qui fait que ce message parait limpide et si évident.
Profitez de la vie, focalisez vous sur le présent, construisez votre futur, apprenez à pardonner, écoutez les autres.
Les défauts
Ce n’est pas une promenade de santé que nous propose The Last of Us Part II. Certains passages sont répétitifs, que ce soit les décors que l’on traverse plusieurs fois avec Ellie et Abby. L’aventure est longue et on aimerait pouvoir « sauter » des passages pour ne profiter que des meilleurs moments.
La construction des deux parties en jours où les actions se déroulent en parallèle est une bonne idée, mais à plusieurs moments on ne ressent pas forcément de plaisir à vivre encore quelques scènes de combats ou d’exploration placées ici et la.
Je ne suis pas partisan de la violence dans les jeux et The Last of Us Part II est évidemment une œuvre où la violence est omniprésente, de part son histoire. Je ne vais pas le juger pour ça car c’est « logique », mais la montée en puissance d’Ellie atteint un niveau qui n’est pas « acceptable » dans ma vision des choses (avec le passage de la torture qui marque un tournant dans l’attitude d’Ellie).
Nous « montrer » quelque chose, ce n’est pas la même chose que de nous obliger à « le faire ». Et sur ce point, je comprends la décision de Naughty Dog mais je ne la cautionne pas. Si l’expérience dans un jeu et sa narration sont les facettes les plus importantes pour moi, je ne pense pas que dépasser cette limite m’est apporté un angle que je n’avais pas compris.
J’avais compris qu’Ellie n’avait plus de limite sans avoir besoin d’appuyer sur le bouton pour torturer quelqu’un.
La durée de vie
The Last of Us part II propose plusieurs niveaux de difficulté, et en normal il est déjà plus long que la plupart des jeux classiques. On peut aisément ce lancer dans une nouvelle partie une fois qu’on l’a terminé pour augmenter la difficulté et chercher tous les objets secondaires qu’on aurait raté.
Verdict
Les points positifs
- Les environnements, le graphisme
- La narration est parfaite
- Le travail sur les personnages et leurs caractères
Les points négatifs
- Une histoire longue
- Des moments répétitifs
En résumé
The Last of Us Part II va plus loin que son prédécesseur. En abordant de nouveaux sujets, en nous offrant des personnages attachants et réalistes, en nous dérangeant avec son histoire, il nous offre un jeu d'action et de réflexion qui nous rappelle que la vie n'est pas un long fleuve tranquille. On s'aventure dans des vies où les émotions sont extrêmes et on est mal à l'aise quand on pose la manette. Une oeuvre qu'il serait dommage de ne pas vivre à 100%, d'un côté pour sa réalisation superbe et de l'autre pour sa narration dérangeante.